Petite errance analytique
Du volcan Krakatau au glacier Eyjafjallajökull en passant par "Le Cri"
« Le
Cri » est considéré par nombre d’historiens de l’art comme l’œuvre
première et fondatrice d’un mouvement à venir : l’Expressionnisme. Ce
serait le cri de l’horreur existentielle. Plus fort que la simple mélancolie
que Munch a peinte aussi, quelques années plus tôt, en 1891. Il ne s’agit plus
de désenchantement mais d’horreur. « Le cri » est emprunt de lignes,
de bandes énergiques qui – mis à part le ciel – aboutissent ou s’éloignent de
la figure criante. Une énergie s’enfuit du personnage ou s’enroule autour de sa
tête. Tourment intérieur, angoisse, « Malaise dans la civilisation »,
écrira Freud en 1930. Et en 1931, paraissait le premier volume de
« L’homme sans qualités » de Robert Musil, qui commence ainsi :
« On
signalait une dépression au-dessus de l’Atlantique ; elle se déplaçait
d’ouest en est en direction d’un anticyclone au-dessus de la Russie, et ne
manifestait encore aucune tendance à l’éviter par le nord. (…) La tension de vapeur
dans l’air avait atteint son maximum, et l’humidité relative était faible.
Autrement dit, si l’on ne craint pas de recourir à une formule démodée, mais
parfaitement judicieuse : c’était une belle journée d’août 1913. »
Le roman « L’homme sans qualités » s’ouvre par une dépression météorologique[1]. Ulrich, le héros du roman, est le seul à sentir croître le vide énorme de l’Europe, vide que comblera la guerre. L’individu du « Cri », tel Ulrich, pressent-il une catastrophe à venir ? Ou la silhouette criante n’est-elle en fait que le résultat d’une dépression météorologique ?
Deux chercheurs américains, Donald Olson et Russel Doescher, partent d’un événement qui n’a a priori rien à voir avec « Le Cri ». En Indonésie, le 27 août 1883, le volcan Krakatau explosait et libérait une énergie 10 000 fois supérieure à la bombe atomique d’Hiroshima. Le bruit fut perçu à 5000 kilomètres à la ronde, trop loin encore de la Norvège certes, mais le cataclysme propulsa près de 20 kilomètres-cube de cendres et de poussières qui firent plusieurs fois le tour de la terre. S’ensuivit une baisse mondiale des températures et des couchers de soleil intensément colorés dus à la diffusion amplifiée de la lumière par les particules volcaniques. Le ciel du "Cri" en a le rayonnement.
« Je ressentis un grand, interminable cri transpercer la nature », écrit Munch. Le personnage du « Cri » est submergé d’une terreur qui, en fait, s’est produit 10 ans auparavant, de l’autre côté de la Terre. Il s’agit bien d’un cri de la nature[2] qui mit 10 ans à parvenir aux oreilles de Munch.
En attendant, moi, je dois prendre l'avion dimanche et c'est encore (voir précédent voyage à Dublin) dans l'incertitude que cela se fera... Je ne dis pas merci aux Islandais, qui non seulement ont été vecteur et accélérateur de la crise financière, laquelle a décimé mon épargne, mais les voilà qui, en plus, aujourd'hui, clouent mon nos avions au sol...ça commence à bien faire... Et ça donne forcément envie de crier !!!
[1] Une première sous-partie
que Musil intitule : « D’où, chose remarquable, rien ne
s’ensuit. »….
[2] Outre le cri du volcan, près de 36 000 personnes périrent…