Quatrième carnet (2006) Suite 5

•      Elle m’a tourné le dos. Elle a les fesses en forme de goutte d’huile, sa tête, surmontée d’une coiffure tout en pointe, ressemble à une chandelle. « Bouge pas chérie, je vais chercher mon briquet. »

•     Il y a cette photo en noir et blanc que Paul Léautaud garda toute sa vie, une femme nue, de face, touffe à l’air, devant une porte entrouverte, le bras droit relevé vers sa nuque, mais la tête a disparu dans la haute obscurité de la porte. C’est la femme sans tête. Dans « Amours » Léautaud écrit : « Je peux d’ailleurs le dire sans trop de vantardise, jusqu’ici j’ai eu plutôt des jolies filles. (…) Un jour, sait-on jamais ? Quand nous serons tous déménagés, on trouvera peut-être ces portraits, en même temps que ceux de tous les personnages de mes souvenirs, pour les publier. On verra alors si j’ai bien dit. Une mère jolie femme, une première maîtresse jolie fille ! Cela orne quelquefois votre rêverie pour toute la vie. » Léautaud cent fois vieux salaud !

J’ai sous les yeux les feuilles d’un antique journal qui s’effrite comme une vieille peau et qui a connu Léautaud puisque daté de 1933, le jour et le mois sont illisibles. Ce sont des feuilles du journal Ouest Eclair qui ont servi à emballer, dans les années 30 donc, des couverts de toutes sortes que nous avons achetés ce matin dans une brocante. En les déballant nous lisons des extraits des différents articles. Je tombe surtout sur des publicités : « Mieux que l’aspirine les cachets Faivre 80 centimes toutes pharmacies » ; ou encore : « Seul le cuir vous protègera de l’humidité et du froid. Exigez des chaussures à semelle de cuir » ; et cette petite annonce : « DIABETIQUES. Je réponds gratuitement à tout malade comment il peut se libérer de son sucre et reprendre une vie normale, sans régime. M. Low 29 r. J. J. Rousseau Strasbourg. B 38 ».

•     Je n’ai pas trouvé dans mes archives de saint protecteur contre le diabète (appelé « mal de la soif » dès l’antiquité), même pas Saint Fiacre pourtant protecteur contre toutes les calamités, diarrhées, hémorroïdes, chancres, et j’en oublie, mais pas contre le diabète. Pas de saint protecteur non plus contre la peste brune qui commençait à gangrener l’Europe en 1933.